CARIBOO!?
Cancoillotte et Belfort-Blues...
Une journée passée à Dunkerque. Accueilli chaleureusement par Mimi et les siens. Elle vient de subir un coup du sort professionnel, ce qui prouve encore que la grande théorie de la justice universelle, qui voudrait que le bien appelle le bien, est une énorme fumisterie. Courage, Mimi, les gentils gagneront à la fin, je te le promets.
Ma proposition d'un footing matinal sur la plage remporte un nombre de suffrages inespéré. On est entre amoureux de la mer du Nord, ceux à qui le vent, le froid et la pluie n'enlèvent rien au plaisir des grandes étendues de sable, au contraire.
Deux jours, soirée parisienne et journée dunkerquoise, maelström de rencontres, de retrouvailles, d'amis, d'instants gravés. J'aimerais les garder, les emmagasiner, les distiller plus tard, lorsque j'aurai refermé derrière moi le couvercle du cercueil flanvillois qui m'attend.
Now back home. Une longue discussion avec ma mère. Notre inquiétude commune. Depuis mon arrivée, mon père semble absent, triste. C'est un homme profondément malheureux, qui ne s'exprime plus depuis près de trente ans, depuis la Cassure, le putain de camion de betteraves, la Fracture, l'amnésie. Je n'étais encore qu'à l'état de projet à l'époque, mais chaque accident de la route résonne en moi comme un coup de tonnerre.
Nous le voyons glisser, doucement, subrepticement, vers le mutisme des tourments internes. Ces vingt-sept années de silence, qu'il est impossible d'aborder sans cataclysme. Que faire ? Tenter l'écrit, en essayant d'oublier l'échec des dernières tentatives. Dialoguer, mais comment.
Sur ces questions, il est temps d'aller préparer les derniers moments de 2003. Ils vont terminer une année chargée, peut-être la plus animée, la plus émotionnellement dense, la plus pleine qu'il m'ait été donné de vivre jusqu'à présent. Elle n'a pas été toujours belle, mais je ne trouve aucune ligne à y changer.
"If you lived your life again
Would you change a thing or leave it all the same ?
If you had your chance again
Would you change nothing at all ?"
Iron Maiden - Judgement of Heaven
"I turned to look, but it was gone
I cannot put my finger on it now
The child has grown
The dream is gone".
Le passé lointain qui revient en force. Le passé récent, qu'il est possible de regarder en face. Même si mon regard parle pour moi.
Le présent de ces deux jours parisiens, les heures dégustées, les soirées foisonnantes, enrichissantes, les rencontres. Les Comfortably Numb, les vidéos de Led Zep, les discussions éthérées de 4 heures du matin. Merci, merci, merci.
La mer du Nord, le vent froid et les embruns, et les envies fugaces d'éparpiller le passé sur la plage et de devenir Jeff Buckley.
L'avenir? Un train. "A l'attention des voyageurs : nous arrivons en gare de Belfort. Belfort, deux années d'arrêt."
Reckoning day. Thanx M.
Il est temps de sortir les fantômes du placard. Trop encombrants, trop lourds sur mes épaules. Une année entière n'a pas suffi.
Lâche. L'excuse irrecevable de ma "protection", j'aimerais que tu l'oublies, que tu la ravales. Pourquoi m'as-tu manqué de respect à ce point. Pourquoi n'as-tu pas fait face à tes désirs, à tes choix, pourquoi ne les as-tu pas assumés au point de me les faire digérer à ta place?
Nos chemins t'ont fait croiser la route de l'Autre. Tu as choisi de le rejoindre. Si c'est là ton bonheur, so be it. Alors assume-le. Dis-le moi, ne fais pas l'autruche, en sachant très bien que je vais l'apprendre un jour où l'autre. Non. Il est trop tard aujourd'hui.
Ce bout de chemin ensemble, il va falloir le regarder pourrir, enfermé dans les non-dits. Les souvenirs qu'il est impossible de faire vivre, parce que lestés du Mensonge. Les lieux devenus infréquentables, par ta faute, parce que tu n'as pas eu le courage de me détruire une bonne fois pour toutes. M'assassiner pour que je puisse renaître. Tu auras préféré le lent poison du silence.
Je peux me regarder dans une glace aujourd'hui. Je doute que tu puisses le faire sans jeter un coup d'oeil au-dessus de ton épaule. C'est ta croix, porte-la, je n'en ai rien à foutre. J'aimerais qu'elle soit lourde, qu'elle devienne écrasante, qu'elle te pousse à faire ce qu'il faut pour la faire disparaître. J'en doute. Finalement, toi non plus tu n'en as rien à foutre.
Fuck you. One thousand times goodbye.
A walk in the shadows.
Memory lane. Station number one, Gare Lille Flandres. Pour cela, devoir passer par le court itinéraire pédestre Gare de l'Est-Gare du Nord, lourdement chargé de souvenirs issus d'époques diverses. Passer un coup de fil à M. et rendre ce trajet souriant, nonobstant valise, sac et Excalibur à traîner jusqu'à destination.
Gare Lille Flandres, terminus. Y croiser quelques collègues de promo, croire faire exotique en leur disant qu'on arrive de Belfort. Rabattre son caquet vite fait en apprenant que l'un travaille à Hambourg et que l'autre, suivant un tuyau avisé du premier, revient lui d'Equateur pour passer les fêtes en famille.
Ces deux acccolytes, que j'ai côtoyés durant cinq années, ne sont plus les mêmes hommes. Ils ont gagné en assurance, rayonnent de confiance, semblent taillés dans le roc. Envie.
Station number two : le réveillon. Petits cadeaux. Cousins et cousines énamourés, nageant dans le bonheur primaire, sans questions métaphysiques sur le sens de la vie. Satisfaits d'une vie simple, ils n'ont pas forcément inventé le fil à couper l'eau tiède. Mais ils n'en sont pas moins heureux, au contraire. Et la toute nouvelle belle-cousine, embrasse tout le monde en arrivant... mais me tend la main. Merci, merci. Why me, huh?
Le hasard, un cadeau grand-mèresque qui implique la manipulation de photos, et fait passer entre mes mains celles qui font mal. Les noëls du passé... cauchemars encombrants...
Station number three : les rues de Comines, bled d'origine, me renvoient elles aussi à ma propre évolution. Ces lieux qui changent, routes refaites, bâtiments démolis, échoppes remplacées par d'autres échoppes, ce quelques visages issus de l'enfance aperçus au détour d'une course de noël.
En un mot comme en cent, cet anniversaire christique est placé sous le signe de la nostalgie, du rétroviseur, du "c'était mieux avant". Placé aussi sous le haut patronnage de l'état des lieux. Suis-je devenu celui que j'aurais aimé être? Oui. Et non. Une légère impression d'avoir été semé en route. D'être à la croisée de multiples chemins, de longer l'autoroute en louvoyant sur les chemins vicinaux. D'avoir tant de choses à dire, à faire, à partager, mais bloqué sur le mode pilotage automatique. D'être un exemplaire de l'homme "moderne", qui sait faire un peu de tout, mais qui ne sera jamais bon en rien.
Blues intersidéral. Je m'isole un peu dans mon monde ce soir, livre et casque sur les oreilles, pour m'y ressourcer et gagner un peu de sérénité mentale. Next step : Parisienne Walkaways.
Countdown to happiness : days and counting...
Sur le départ. Lille, Paris, Dunkerque. Puis Vigo, mais les premiers jours de janvier semblent résider à des années lumière.
Les rues sont enneigées ce soir. Il n'aurait pas fallu sortir, s'extirper de la voiture et s'engouffrer dans l'appartement. Mais on ne peut échapper à son destin alimentaire. Lorsque le frigo est vide, l'expédition dans les rues flanvilloises devient une obligation.
Ces rues, qui sont définitivement plus désertes en ce lundi soir qu'il y a 24 heures, à l'heure des ouvertures exceptionnelles qui permettent au franc-comtois d'aller faire ses achats de noël de dernière minute. Seule la consommation parvient à l'extirper de chez lui : les Walker Texas Ranger et Stade 2 des dimanches ordinaires sont d'un attrait bien trop important pour qu'il ose s'aventurer à plus de quinze mètres du téléviseur.
Ces rues piétonnes, pavées de blanc. Leur largeur me permet de marcher parfaitement seul, au centre, alors que les ailes sont modestement occupées par les consommateurs transis de froid. "Temporary Peace" m'englobe. Le volume est suffisant pour ne plus entendre mes pas, ni ma voix alors que mon chant fait fondre les flocons. Je flotte, bien au fond de ma coquille.
Impossible de voir clair dans ce brouillard. Pas d'étoile à suivre, juste un halo indistinct. C'est déjà ça.
Passerai peut-être en ces pages, au détour d'un terminal volé. D'ici là, prenez bien soin du rock'n roll...
Sundays of doom.
La malédiction du dimanche n'a pas failli. Seule une guitare révisée et quelques coups de fils amicaux seront venus l'illuminer. Ces minutes téléphoniques, dont j'apprécie chaque instant. Ces minutes durant lesquelles les kilomètres semblent avoir fondu, kilomètres qui réapparaissent avec violence une fois le combiné posé.
Pas de répit en ce dimanche pluvieux et grisonnant. Mes trois appuis régionnaux sont indisponibles - trois, c'est statistiquement trop peu pour espérer sauver une journée à la dérive.
Dans la distance, je ne peux que me replier sur moi-même, me réfugier auprès d'Excalibur pour lui extorquer quelque composition future. Passer de longues minutes, sous la pluie des rues piétonnes trop peuplées pour être honnêtes, à me demander où tout cela m'emmêne. Profiter de la chaleur d'une douche, offrir mon visage au jet brûlant.
Succomber au questionnement métaphysique. J'ai beaucoup de cartes en main, mais ne prends pas le jeu à mon compte. Gâchis. Manque. Pièce du puzzle introuvable. Estime personnelle variable.
Permanent days unmoving, and still counting...
Heaven and Hell.
Ca y est. Il existe. Je l'ai trouvé, le lieu vivant de cette ville. Les bars à ambiance miteuse, multiplexes à pop-corn et boîtes pour beaufs qui se relaxent après une journée harrassante de tuning n'étaient que la forêt qui cachait l'arbre.
Ca s'appelle "Le Fil du Temps" à Evette Salbert. C'est à la campagne, au fin fond du Territoire, à dix bornes de Flanville. Autour, c'est le vide absolu, sauf le premier week-end de juillet qui voit débarquer les hordes de festivaliers pour les Eurockéennes.
Après deux soirées concert agréables, nous nous y rendîmes, guitariste, batteur et moi-même, pour le "Cabaret Trash et Tradition", collectif lillois (Flanville phone home) qui se veut un rassemblement d'individus à tendance Trash dans le respect de la tradition, et d'individus à tendance tradition dans le respect du Trash.
Nous arrivons juste à temps pour le concours de pétanque d'hiver, à la lumière des phares d'un utilitaire. Défaite cinglante au premier tour, doigts gelés, excellent esprit.
Le spectacle s'articule autour d'un présentateur dandiesque, qui introduira avec insolence les différents numéros. Tout d'abord "Reprises de Tête", improbable duo reprenant Adamo et Sylvie Vartan, dans un style mêlant Deschiens et mélancolie. Puis "Jean-Michel Saindoux", Jean Meyrand franchouillard qui se lamente de la disparition du service militaire ou de l'agriculture céréalière à outrance.
Quelques intermèdes, et enfin, "Violons Profonds", reprises de classiques du Hard Rock au violoncelle, entièrement traduits en français. On reconnaîtra "L'autoroute de l'enfer", "Je t'aime encore", "Fumée sur l'eau" ou encore "Je veux être ton chien".
Le lieu est convivial, l'ambiance chaleureuse, les discussions s'engagent, facilement, naturellement. Echange quelques mots avec Tony Violon et Jerry Profond, anciens trashers lillois de chez Kraal. Nous nous remémorrons la scène locale d'il y a quelques années, et je leur énonce mon souvenir de les avoir entendus en interview sur Racio Cité Vauban en 1998 dans l'émission "Quand les poules feront du trash" - nous devions être au moins douze derrière notre poste. Ils n'en reviennent pas, moi non plus.
Toutes les bonnes choses ont une fin. Levé tard, coup de fil parental très compréhensif ("Tu t'es couché tard?" "Euh, oui, 3 heures" "Ah, c'est de ton âge") comme à l'accoutumée. Combiné Retour du Roi + restau, soirée forcément moins chaleureuse.
Retour maison, une pincée de solitude. Sélection de titres aux petits oignons pour les compiles-cadeau de noël.
Numerous days and still counting...
La vie en entreprise - volume 1.
Un des Grands Moments à vivre à la Firme : la remise de l'augmentation annuelle.
J'y avais été convié une première fois, mais ma bronchite vénéneuse m'avait cloué au lit et empêché de toucher au grisbi. Reprogrammation des festivités hier matin.
Arrivée dans le bureau du Grand Manitou, accompagné de l'agent du KGB, qui est simplement là pour acquiescer dès que le Grand Manitou ouvre la bouche. Certains font le choix de la cravatte, sortent leur plus beau déguisement de cadre dynamique pour l'occasion. J'avais opté pour chemise bleue, symbole de réussite et de prospérité.
C'est parti. "Vous comprenez, blablabla, situation économique machin bidule, marge en baisse, objectifs non atteints." Ca commence mal.
"Mais". Ah? Lueur d'espoir? "Evaluation performance individuelle, bravo tout ça, comptons sur vous, challenge machinchose, donc voilà, ça sera autant."
Silence. Que dire. Vite, trouver un truc intelligent.
"Euh... merci?".
Ma carrière est foutue.
Joie simple de perspectives musicales ennivrantes. Les Four Horsemen pour une grand-messe, et A Perfect Circle pour un peu de sublime sur scène.
FNAC. Après avoir classé "CQ" dans les "grands classiques du cinéma", certainement trompés par l'habillage kitsch de l'objet. Après n'avoir pas été foutus de me trouver les quelques cds hors sentiers battus que je vous avais commandés. Ils l'ont fait.
Arrivée au comptoir billetterie. "Deux places pour Metallica au Parc des Princes". "C'est à Paris?" me demande la demoiselle. Plutôt, oui. "Il y a plusieurs tarifs". "Dans la fosse", lui réponds-je. "La quoi?". "La pelouse". "Ah, pardon j'avais entendu la fosse". Ben oui, la fosse, par opposition aux gradins. "Ah d'accord". Merci, FNAC flanvilloise, de me faire croire chaque jour en la Culture.
Après un peu d'Intégrule, au lit. Deux collègues crèchent en ce moment même dans mon salon. Habitants de la Haute Patate (Ronchamp), voire du Doubs profond (Bourguignon), ça leur fera moins de route demain matin. Une bonne soirée. Je leur ai cuisiné une pizza avec amour, qu'ils ont dévorée sans sourciller.
Still waiting for something to happen...
Aujourd'hui, je m'en suis mis plein la lampe lors du repas de fin d'année du service, rascasse et glace à la poire. J'ai bien fait rire mes compagnons de tablée lorsque l'agent du KGB est allé payer les boissons en coulisses, en arguant qu'il leur "montrait son sboub". Je suis un être d'une délicatesse infinie.
Aujourd'hui, j'ai travaillé, sans acharnement, effectuant la mission pour laquelle je suis grassement rémunéré.
Ce soir, j'ai vu "Le Bon, la Brute et le Truand" sur le seul DVD monolangue (VF obligatoire) du marché occidental.
Ce soir, j'ai bossé l'intro de "Still Loving You", dans un accès de faiblesse musicale patent.
Ce soir, je poste mes photos merdiques de soleil couchant sur autoroute franc-comtoise.
Ce soir, j'ai une vie passionnante.
Cercle vicieux. Boulot, musique, sport, amis. Planning trop rempli pour être honnête. Ce soir, c'était balle jaune, poumons crachés et pains distribués. Vestiaires vides, retour avec "OK Computer".
Coeur qui s'atrophie, qui hiberne, qui tout ce qu'on veut. Coeur qui commence à mettre le nez dehors. Sentiments qui ouvrent un oeil pour s'apercevoir que décidément non, il ne se passe rien.
to keep you sane
to make you whole"
On n'en est pas là, mais on y va, doucement. Chi va piano va sano.
Mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir mettre sur ces deux compiles?
They're gone.
Et non, je ne peux pas leur en vouloir d'essayer de me transformer en adulte post-date de péremption. Mon chez moi m'appartient à nouveau, tout cela est temporaire. J'aimerais qu'ils fassent un jour l'effort inhumain non pas d'essayer de me conformer à leur confort étouffant, mais de me pousser enfin à être moi-même. Me conforter dans une voie que j'ai choisie. S'adapter à moi, et pas l'inverse. J'aime les défis.
Champions du monde de la culpabilité en eaux vives, ils ont réussi, grâce à une coulée lacrymale matinale, à me faire me sentir mal toute la journée. Dans le plus pur style "tu pourrais être plus gentil, mais on ne va pas te le dire directement, ça serait trop simple". Je les aime, mais pas dans ces moments-là.
Autant dire qe la répétiton de ce soir arrivait comme une bouffée d'air frais dans une atmosphère renfermée. Chanteuse qui jette l'éponge avant même de l'avoir ramassée. Ca commence bien. Tant pis, les rangs se resserent, la formule trio marche fort bien. On réussit à expulser deux morceaux, l'un à l'état d'embryon malformé mais prometteur, et l'autre, du bonheur en deux accords superposés. La veine acoustico-mélodique qui est la nôtre aujourd'hui semble s'imposer d'elle-même.
En tant que métalleux refoulés, il n'est pas étonnant que parfois, ces scéances dérapent, qui d'une intro de "Master of Puppets", qui du riff ultime de "The Killing Road". Voire de reprises jouissives de "Tomorrow" et de "Freak", qui auraient de quoi donner la pêche à Daniel Johns.
La fin nous voit littéralement nous écrouler de rire, alors que dehors la neige s'accumule sur les pare-brise. Les flocons énormes et fondants disparaissent au contact du sol. C'est bien dommage, j'aurais bien fait la Firme buissonnière.
Week end's almost over. Tomorrow morning, they're gone.
Je risque un coup d'oeil hors de la carapace. J'ai hâte pouvoir en sortir et de mettre les pensées stomacales sur la table. J'aurais préféré passer cette soirée quelque part à Bastille, mais bon... you can't always get what you want, huh?
Un paquet de Bastogne enfilé en une heure, quelques albums poussiéreux réécoutés avec un plaisir non dissimulé, l'oreille gauche en feu à cause du téléphone que je n'ai pas quitté depuis quatre heures, les bureaux vides, une écharpe, de l’efferalgan : les ingrédients frelatés d'un samedi après-midi à la Firme. Une modification stressante à réaliser, mais tout va comme sur des roulettes.
Mes parents sont chez moi, depuis hier soir. D'abord heureux de les voir, je suis retombé dans de vieux travers. Eux aussi, d'ailleurs. Délire immédiat de prise de possession des lieux, de conseils en tous genres, qu'ils soient d'ordre matériel ou plus généralement dans une veine interventionniste des plus malséantes. Je ne dis rien, digère tout, parce que m'énerver ne servirait à rien.
Le pire, c'est qu'ils ont encore réussi à me parler de G. "Tu n'as plus de nouvelles?" Ca fait des mois que je n'en ai plus. Ca fait des mois que je rappelle ses parents, uniquement parce que je les aime et non pour raccrocher quelque wagon nauséabond, mais qu'ils ne me font aucun signe, certainement trop empruntés par cette situation. Des mois que mes pensées l'ont quittée, à rebours, chaque pas durement boulonné au sol. Des mois que les seuls moments où mon esprit ose braver l’interdit sont mes cauchemars, plus réels que nature, et qui glissent doucement du « je reviens » au « regarde-moi avec lui ». N’en rajoutez pas.
Le fossé qui nous sépare ne pourra jamais être comblé. Nos aspirations, nos désirs, notre rapport à la vie sont diamétralement opposés. C’est encore à moi de faire cet effort d’adaptation, parce qu’ils ne le feront pas, n’en ressentent pas la nécessité. Il serait pourtant le plus beau présent qu’ils puissent me faire. Tant pis, l’oursin va se charger, se dilater, venir chatouiller mon estomac. Il dégonflera vite fait, dès lundi.
Ce qui ne veux pas dire qu’on ne partage rien. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut trouver un terrain d’entente. Mais en me forçant ainsi à rentrer dans ma carapace, afin d’éviter d’en absorber trop, ils n’obtiendront pas ce dialogue si chèrement acquis. Je ne l’obtiendrai pas non plus. Fuck it. Let me struggle with my life. Let me walk on my path.
Rentrant d'une expédition commando au supermarché du coin (il faut bien vivre), je découvre que ma boîte aux lettres a reçu ce matin l'offrande du "Rolling Stone" de décembre.
Ebahi, je constate que :
1) Le magazine consacre trois bonnes pages (allez, quatre) à la tournée française d'Hawksley Workman.
2) Que durant cette tournée, forte d'une douzaine de dates, RS a choisi de couvrir les concerts de Strasbourg et ... je vous le donne en mille... tadaaaaam, j'ai nommé Flanville. Franche Comté, two points, le Fronche Comté, teux points.
3) Qu'une photo d'une demi-page montre l'assistance flanvilloise médusée face au grand showman qu'est Hawksley (non, ne cherchez pas, on ne me voit pas, je suis dans la pénombre, j'essaye d'éviter la lumière des projecteurs, je ne suis pas un héros, faut pas croire ce que disent les journaux.)
4) Pas un seul mot méprisant pour notre mégalopole du Territoire de Belfort, même pas un "Mais qu'est-ce qu'Hawksley Workman, future star intergalactique de la chanson, vient faire dans ce bled paumé?". Ca doit être moi.
Bon, d'accord, à vous, lecteurs parisiens, lyonnais, lillois ou franvernois, qui avez l'habitude de voir mentionnée votre cité sous la plume élogieuse des magazines, ça ne doit pas faire plus d'effet qu'une part de quiche froide. Mais moi, ça me fait quelque chose...
Et il ressuscita le troisième jour, conformément aux écritures.
Après deux jours passés à exhaler mollement ma fièvre sur canapé, je retrouve aujourd’hui la force de bouger. Il est fort dommage d’avoir été malade mardi, puisque c’était le jour où j’avais rendez-vous avec l’agent du KGB et le Grand Manitou pour connaître le montant de mon augmentation annuelle. Ca la fout mal.
Je pourrais presque retourner à la Firme aujourd’hui, mais je vais profiter de ce dernier jour couvert par notre malheureuse Sécurité Sociale pour reprendre du poil de la bête et prendre un peu soin de moi. Petit dej’ sous couverture, devant "Fenêtre sur Cour". Prendre le temps de cuisiner pour gratteux et chanteuse, que je reçois ce soir pour une petite séance de "trouvons des lignes de voix qui vont bien".
Le corps va mieux. Le cerveau va toujours aussi bien. Couler des jours heureux, paisibles, grappillant du bonheur là où il y en a. Ne pas attendre plus. S’attendre au pire, espérer le meilleur, et prendre ce qui vient.
En bande-son de la journée, "The Spirit Carries On". Yes, it sounds cheesy. Yes, you may dislike the vocals. Yes, there's a friggin' guitar solo. But listen to the words and shut up, will ya?
Quoi de moins agréable qu'une douche par 39 de fièvre?
Tempes brûlantes, bronches enflammées. Idées pas claires. Devoir se sortir, salle d'attente bondée. Personne pour me faire prendre mes médicaments, focrément je vais en oublier la moitié, au vu de l'armoire à pharmacie complète qui m'a été prescrite.
Il faut manger. Il faut resortir, bouger la voiture pour éviter une deuxième prune. Vivement plus tard.
Et merde.
Heureusement, il y a toujours une bonne nouvelle à se mettre sous la dent.
Et demain, 3 heures dans un bocal, entouré de 3 musicien(ne)s, pour s'oublier...
Fier de l'adage "dimanche enfermé, dimanche raté", je décide après mon steack de 15 heures de profiter du ciel bleu qui s'offre à moi. Je sais parfaitement que c'est dimanche, que je suis à Flanville et que c'est l'hiver, mais à coeur vaillant rien d'impossible.
J'arrive devant les grilles de mon square. Personne, sauf un chien paumé qui a dû avoir la même idée que moi. Je n'y tiens pas plus que ça, à mon square vide, en ce mois de décembre. Je décide d'aller explorer un peu plus loin.
"Square du souvenir". Personne ne s'est souvenu qu'il devait aller s'y promener aujourd'hui. Les gerbes de fleurs, déposées en l'honneur de nos combattants au pied du monument commémoratif, se sont renversées sous l'effet du vent. Je prends la peine de les redresser. Vision peu réjouissantes de fleurs arrachées, envolées, paumées au milieu de l'allée de graviers.
J'élis non sans mal un banc ensoleillé. Mets le casque, sors mon Fred Vargas pour en lire quelques pages. Rachmaninov, deuxième conceto pour piano, premier mouvement. Le vent froid qui me glace les pouces. Les regards inquiets des quelques passants pressés d'en découdre.
Il n'empêche. C'était bon.
Petite ballade et puis s'en va.
Retrouve ami(e)(s), pas vus depuis des lustres, pour goûter un peu du marché de noël Stasbourgeois. Not in the mood for christmas gifts, ni in the mood pour grand chose, mais un bon moment tout de même. Choucroute 5 garnitures qui tient au corps. Pain d'épice, ruelles typiques. Marché de l'emploi catastrophique pour mes congénères. Vannes qui fusent.
Ne peux m'empêcher de demander des nouvelles de G., n'en ai plus depuis 6 mois, ce qui est dommage quand on a cru en nous, en elle pendant plusieurs années. Elle a pris un appart avec son nouvel amour, chose qu'elle s'était refusé à faire avec moi. Pourquoi ai-je voulu remettre ça sur le tapis. N'aurais pas du. Je suis guéri, certes, mais ce soir, dans cette gare froide, quand il faut encore rentrer à Flanville, ça n'était pas la meilleure chose à faire. Des questions sur moi-même, forcément. Ca n'est pas grave, encore. Tant pis pour moi.
Mise à part des journées bien remplies, je ne vois que le ciel qui bleuoie et le soleil qui rougeoie. Je me sens vivant, ce soir, mais pas dans le bon sens.
Mais les gentils gagnent à la fin.
Cancoillotte blues.
Ca a commencé par un sentiment bizarre, au réveil. Je ne regarde pas, trace ma route, comme je l'ai décidé.
Journée de boulot standard. Sortie du bureau, petit tour à la FNAC. Rien d'émouvant, normal. Même les disques ne m'émeuvent plus. Danger, danger.
Quelques photos des lumières flanvilloises. Il fait un brouillard persistant depuis lundi. J'ai l'impression d'être dans la ouate, que les fils de cotton m'obstruent la bouche et m'empêchent de respirer. Pesant.
Puis, décidant qu'il en était assez des grandes surfaces disquaires impersonnelles, je me rends à la Malle à Disques, petite échoppe indépendante à laquelle je m'étais promis faire une petite visite il y a des lustres. Je rentre, fouine un peu parmi les pirates d'Alice in Chains et les Therion d'occasion. Un seul client m'accompagne. J'entends le vendeur lui exprimer sa morosité.
Au moment de payer, je lance l'hameçon. "Les affaires ne vont pas fort, en ce moment?". Ben non, elles vont pas bien du tout. Bouffé par les grosses machines, râpé par les grosses ventes daubesques dans lesquelles il ne trempe pas. Il s'adresse à un public de passionnés, qui aiment à dénicher une bonne affaire ou un single épuisé depuis des lustres. Public qui s'amenuise peu à peu, internet et uniformisation aidant. Il va devoir fermer boutique. J'ai honte d'être passé tant de fois devant la petite ruelle qui mène à son repaire. Je compatis, tellement que je me ruine en cadeaux de noël impromptus et premier album de A Perfect Circle hors de prix. Sortie de son antre, après un "au revoir" lourd de sens. Les rues sont mortes, le brouillard survit.
Qu'à cela ne tienne. Concert de groupes locaux. Pas cher, pas loin. Allons-y. 40 pèlerins, 3 groupes - psyché 70 raté, noise crade jemenfoutiste passable, electro-metal très réussi. Batteur retrouvé à l'improviste. Ambiance cancoillottesque. Jolies demoiselles, loin, très loin. Trop loin.
Un peu de chat avec M. Un peu de baume. Ces mots. Le vide.
Au lit.
Yellow (ball)
Excalibur et Kelly sont entre les mains de spécialistes, la première pour la révision des six mois, l’autre pour la grande vidange des 50 000 kilomètres. Plus d’exutoire musical. Seul moyen de ressentir quoique ce soit, les courbatures.
Ce soir, j’avais rendez-vous avec un étudiant Saucissevillois pour un peu de balle jaune. Oh la belle bête. Fort d’une conversation quasi monosyllabique et d’une acnée juvénile exfoliante, le spécimen m’annonce dévorer du partenaire tennistique plusieurs fois par semaine. Je prends peur, mais bon, tant qu’à faire, me dis que prendre une bonne raclée ne pourra me faire que du bien.
Nenni. Dans une décontraction digne d’une sieste après une potée au chou, je mets pain sur pain à mon adversaire du soir. Forcément, une condition physique proche du néant me force à baisser le rideau après une heure. Alors que je suis à la ramasse, prêt à agiter le drapeau blanc mais serrant les dents pour puiser plus profond (j’aime me faire mal, c’est connu), j’entends le primate m’annoncer « Les quatre dernières ? Je suis mort ». Ah bon ? T’attaquais, toi ?
Rentrer à 11 heures. Douche, étirements sur le sol du salon avec Chris Martin pour bande-son, qui me dit qu’on vit dans un beautiful monde. On peut voir ça comme ça. Je suis bien dans mon existence, Flanville est à peu près belle en cette période d’éclairage multicolore. Ai passé quelques quarts d’heure téléphoniques avec M. hier soir, pour me rendre compte de ma sérénité olympique. Ce qui ne semble être son cas, tourments divers qui l’assaillent de front. Aimerais apporter quelque chose, mais ça ne semble pas possible. Plus tard, j’espère.
Nothing to say
Depuis une semaine, la sinusoïde à haute fréquence a été remplacée par une constante, simple et bien moins textuelle. Je ne doute pas de la réapparition de l’effet rollercoaster, mais l’état des stocks fait penser à un prolongement paisible. La route est droite, et la pente est douce.
Hier soir, notre trio magique a été rejoint par un quatrième couteau. Venue prendre la température et voir si le style musical correspondait à ses attentes. Elle reviendra lundi prochain, et nous pourrons alors savoir si la magie est là.
Constat étrange, presque alarmant. Elle est jolie comme un cœur, gentille et souriante. En grand romantique infatigable, j’aurais dû m’emballer aussitôt et imaginer une saga romantique en douze épisodes, grandes envolées lyriques et fin heureuse. Mais non. Telle la marmotte, mes sentiments hibernent. Se réveilleront-ils au printemps ?
Je roule désormais pour moi seul. Être soi, ce qui veut dire ne pas se soucier outre mesure des regards extérieurs. Garder la tonne de choses que j’ai à donner, pour plus tard. Ne pas être hypocrite, et savoir que ça ne marchera pas bien longtemps sans un regard confiant, une tête posée sur l’épaule. Mais tailler ma route.
that when I drive myself
My light is found"
Jouée et chantée hier, laissée dans un coin depuis le 2 septembre. "Drive". Yeah, drive.
Lights out.